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Les massacres à Beni continuent à ravager

Les violences près de Béni, dans la province du Nord-Kivu dans l’est de la République démocratique du Congo, ont repris après une accalmie de quelques semaines. Dans la soirée de mardi, de nouvelles attaques sanglantes ont fait 19 victimes, majoritairement des femmes et des enfants. Notre Observateur s’est rendu sur place et parle de “véritable carnage “. 
 
Dans la soirée du mardi 3 mai, une attaque a eu lieu dans le village de Luna Mutshunge, situé à une soixantaine de kilomètres de Béni. Très peu de photos ont filtré sur cette nouvelle attaque, qui a fait fuir une partie de la population. Seuls des membres de la société civile de Béni ont pu prendre quelques photos quelques heures après les faits. 
Yassin Kumbi est un journaliste radio pour Kivu 1 à Béni. Il a pu se rendre sur place très tôt mercredi matin, au lendemain de l’attaque. 
 
Je suis habitué à la couverture de ces attaques depuis maintenant 2014, mais je dois avouer que j’ai découvert un carnage en arrivant dans ce hameau de Eringeti. Ce qui m’a particulièrement choqué, c’est que la plupart des victimes étaient des femmes et des enfants. Le plus petit ne devait avoir que quelques mois. Vues leurs blessures, les médecins ont estimé qu’ils avaient été attaqués à la hache et à la machette. Des témoins ont aussi affirmé qu’il y a eu quelques tirs à balles réelles avant que les assaillants ne s’enfuient [selon les bilans officiels, 8 femmes et 4 enfants sont morts, NDLR]. Il y a eu également deux femmes enceintes tuées à la machette que les secours ont évacué en urgence pour tenter de sauver les fœtus. 
 
J’ai pu parler à des rescapés qui ont réussi à s’enfuir. Ils étaient traumatisés et ne s’attendaient pas du tout à cette attaque. Pas plus tard que samedi, des annonces avaient été faites dans les radios locales pour dire que la zone était sous contrôle, et qu’il n’y avait plus eu d’attaque dans la zone de Béni depuis environ un mois. Mais juste après ces annonces, dès dimanche, des premières attaques avaient eu lieu à Kamangu, à 11 kilomètres d’Eringeti. La recrudescence des attaques laisse penser que les assaillants ont voulu montrer qu’ils étaient encore là et prêts à frapper n’importe quand. 
 
Notre Observateur reste prudent sur les auteurs présumés des attaques. Cependant dans la quasi-totalité des cas, elles sont attribuées aux rebelles ougandais ADF-Nalu, pour le contrôle de ce territoire. 
 
Depuis octobre 2014, les environs de la ville de Beni dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RD Congo) ont été le terrain de massacres comptant parmi les pires de l’histoire récente du Congo. Plus de cinq cent personnes ont été tuées et des dizaines de milliers ont fui leurs foyers. La mission de l’ONU et le gouvernement congolais ont déclaré publiquement que les massacres sont l’œuvre des rebelles ougandais des Allied Democratic Forces (ADF). 
Les recherches du Groupe d’étude sur le Congo (GEC), réalisées à partir d’entretiens avec plus de cent témoins et leaders locaux, indiquent que la définition des ADF est à revoir. Au lieu d’un groupe islamiste étranger motivé par la vengeance, nos recherches décrivent plutôt un groupe qui, au cours de vingt années d’insurrection autour de Beni, a fini par tisser des liens forts avec les milices et des groupes d’intérêts locaux. Mais notre enquête préliminaire indique que la responsabilité des massacres ne peut pas être attribuée seulement aux ADF. En plus des commandants qui appartiennent strictement aux ADF, certains membres des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), des anciens du Rassemblement congolais pour la démocratie–Kisangani/Mouvement de libération (RDC–K/ML), ainsi que des membres des milices communautaires sont aussi intervenus dans les attaques contre la population civile. 
Nous ne pouvons pas nous prononcer sur les chaînes de commandement ou sur les motivations de ces groupes, mais il est clair que le gouvernement congolais et la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RD Congo (MONUSCO) n’ont pas fait les efforts suffisants pour répondre à cette crise et ont mal identifié l’ennemi. Souvent, bien qu’ayant perdu des centaines de soldats dans les opérations contre les ADF qui ont eu lieu avant juillet 2014, les FARDC n’ont pas réagi à temps pour protéger la population pendant et après les événements, un manque d’initiative que l’on reproche aussi à la MONUSCO. Nos chercheurs ont documenté des cas où des officiers des FARDC ont dissuadé leurs unités d’intervenir pendant des massacres et il existe de nombreuses preuves indiquant que des membres des FARDC ont activement participé aux massacres. 
RECOMMANDATIONS : 
• Le gouvernement devrait constituer dans les plus brefs délais une commission d’enquête spéciale dirigée par un procureur militaire haut gradé pour enquêter sur les actes de violence perpétrés autour de Beni depuis octobre 2014. Les résultats de l’enquête devraient être rendus publics; 
• La MONUSCO devrait mener une enquête en vue d’établir les responsabilités dans les massacres de Beni. Le Département des opérations de maintien de la paix de l’ONU devrait également évaluer la performance de la mission en relation avec ces massacres; 
• Le Sénat et l’Assemblée de la RDC nationale devraient constituer une commission d’enquête conjointe chargée de situer les responsabilités politiques, notamment le rôle qu’ont pu jouer les responsables des institutions en charge de la sécurité dans la commission des massacres autour de Beni; 
Le gouvernement congolais devrait proposer un plan de stabilisation et de sécurisation pour le territoire de Beni qui implique les FARDC, les communautés locales et la MONUSCO. Ce plan devrait être mis en place dans le cadre du plan provincial de stabilisation, en coordination avec le Plan de stabilisation et de reconstruction de l’est de la République démocratique du Congo (STAREC) et conformément aux recommandations émises par la Stratégie Internationale de Soutien à la Stabilisation et à la Sécurité (I4S). 
 
Entre octobre 2014 et décembre 2015, autour de la ville de Beni, plus d’un demi-millier de civils ont été assassinés, essentiellement à l’arme blanche. Cela faisait dix ans que le Congo n’avait pas connu des massacres d’une telle ampleur et d’une telle brutalité. Paradoxalement, l’identité des responsables est à ce jour restée une énigme et prête à controverse. 
Dès le début, les institutions officielles et les médias ont déclaré qu’il s’agissait de membres des ADF, un groupe rebelle ougandais basé en RDC. L’explication semblait logique puisque les massacres ont commencé au premier semestre de 2014, juste après le démantèlement des bastions des ADF par les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) dans la plaine de la Semuliki, adjacente au Mont Ruwenzori. Les FARDC se sont vantées du succès de l’opération Sukola I qu’elles ont menée avec le soutien de la Brigade d’intervention (Force Intervention Brigade, FIB) de la MONUSCO. Les partisans de cette théorie disent que les ADF auraient été motivées par un esprit de vengeance à l’encontre des populations locales parce que celles-ci les auraient trahis, ou auraient voulu délégitimer les FARDC en montrant qu’elles étaient incapables de protéger la population locale. 
Cette version a vite été contredite ou nuancée par différentes parties. Certaines autorités gouvernementales ont cru y voir la main invisible de Mbusa Nyamwisi, un leader local passé à l’opposition et parti en exil depuis la guerre menée contre le groupe rebelle M23. De son côté, celui-ci a accusé des officiers des FARDC d’être à la fois commandants des FARDC et des ADF. Entre temps, une commission parlementaire, instituée en vue de faire la lumière sur les massacres, avait dénoncé des carences dans le commandement des FARDC. Enfin, la coïncidence de ces massacres avec les migrations récentes des populations d’expression kinyarwanda a accentué les spéculations concernant l’identité des meurtriers.1 
Malgré cette énigme et l’ampleur de la violence, aucune investigation approfondie n’a été initiée par le gouvernement de Kinshasa, les Nations Unies, ou les organisations non-gouvernementales.2 La présente enquête essaie de répondre aux questions suivantes : Qui a perpétré les massacres ? Quelles sont les causes sociales et structurelles qui se cachent derrière ces massacres ? Quels sont les enjeux, les stratégies et les motivations des acteurs directement ou indirectement intéressés par l’insécurité à Beni? Ce rapport présente les résultats préliminaires de nos recherches.

 

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Modifié en dernier lieu le 17.06.2016
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